Publié le 22 juillet 2022 Mis à jour le 3 avril 2023

Brève scientifique

Nous sommes toutes et tous issu(e)s d'une cellule unique qui se multiplie d'abord en cellules identiques, et qui ensuite se différencient les unes des autres. Après de nombreuses étapes de différenciation, des cellules aussi diverses que celles de la peau ou de l'intestin sont produites. Dans une étude publiée dans la revue Nature Communications, les scientifiques montrent que le hasard peut décider de la future identité de la cellule.

Lors de la différenciation cellulaire, les changements d'identité sont finement régulés par des cascades d'induction de gènes, en général grâce à des changements en amont, internes (par exemple activation séquentielle de facteurs de transcription) ou externes (échanges moléculaires et/ou mécaniques avec les cellules voisines) à la cellule. Ce sont ces changements en amont qui déterminent la voie de différenciation. Néanmoins dans certains cas le hasard peut décider de la future identité de la cellule. 

Quelques jours après la fécondation (3 jours chez la souris et 6 chez l'humain), la première différenciation cellulaire de l'embryon, séparant les futures cellules du placenta, se fait en fonction de la position interne ou externe de la cellule, alors que la deuxième différenciation en cellules de l'épiblaste (qui produit toutes les cellules du futur individu) dépend d'un mécanisme aléatoire. Pour devenir de l'épiblaste, une cellule a besoin de plusieurs facteurs de transcription spécifiques qui coopèrent pour enclencher la différenciation. Or, dans les cellules progénitrices avant la différenciation, ces facteurs de transcription ont des niveaux d'expression variables d'une cellule à l'autre de manière non coordonnée. Le hasard va faire que dans quelques cellules parmi environ 25, ces facteurs vont se retrouver ensemble à des niveaux suffisants pouvant déclencher ainsi la différenciation. Seules ces cellules vont pouvoir se transformer en épiblaste. Ainsi, c'est la co-expression aléatoire de ces facteurs qui engagerait la cellule dans la différenciation.

Les scientifiques ont identifié un de ces facteurs de différenciation en épiblaste, NANOG, et montré que sans ce facteur il n'y a pas de différenciation, les cellules restent bloquées au stade de progénitrice, le développement de l'embryon s'arrête alors. Néanmoins NANOG seul ne semble pas être capable d'induire la différenciation, démontrant que seule la coopération avec d'autres facteurs, encore inconnus, permet cette différenciation.

Ce mécanisme de décision aléatoire a été essentiellement étudié chez les bactéries ou chez la drosophile mais reste peu exploré chez les mammifères bien qu'impliqué lors de l'hématopoïèse.

Cette découverte est intimement liée à la recherche sur les cellules souches embryonnaires ES (prix Nobel 2007 pour Evans, Capecchi et Smithies) et les cellules pluripotentes induites iPS (prix Nobel 2012 pour Yamanaka) car ce sont sont les équivalents in vitro des cellules de l'épiblaste. Les cellules ES et iPS peuvent potentiellement produire n'importe quelle cellule d'un individu et sont donc des acteurs majeurs pour la thérapie cellulaire. Ainsi comprendre comment ces cellules de l'épiblaste sont produites apporte des avancées sur la connaissance et l'utilisation des cellules souches ES et iPS.
 


© Nicolas Allègre & Claire Chazaud

Figure : A trois jours de développement chez la souris (ou 6 chez l'humain), les cellules progénitrices  ont une composition aléatoire de NANOG (N) et de différents facteurs (F1, F2...) . Seules les cellules ayant la bonne combinaison de facteurs (N, F1 et F2; entourées en vert) se différencieront au stade suivant en épiblaste. Panneau de droite: immunomarquage d'un embryon de souris à trois jours de développement avec les cellules de l'épiblaste (rouge). Barre d'échelle: 10 microns.

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Claire Chazaud :