Microorganismes du lac Pavin : exploration de la diversité et du rôle des eucaryotes unicellulaires
La diversité des eucaryotes unicellulaires, longtemps sous-estimée, a fait l’objet d’une réévaluation majeure au cours des deux dernières décennies, notamment grâce aux avancées techniques qu’ont connues les méthodes de séquençage haut-débit. Initialement mise en lumière en milieu marin, cette diversité est progressivement dévoilée dans les écosystèmes d'eau douce où elle rassemble un nombre considérable d’espèces caractérisées par des tailles et des formes extrêmement variées. Toutefois, bien que la diversité de ces organismes soit de mieux en mieux documentée, leur rôle au sein des écosystèmes aquatiques demeure largement méconnu. Ainsi, l’étude de leur métabolisme apparait essentielle afin de mieux évaluer leur contribution aux flux de matière et d’énergie et finalement au fonctionnement global des écosystèmes lacustres.
Dans cette étude, nous avons exploré le lien diversité-fonction des eucaryotes unicellulaires dans le lac Pavin qui présente des caractéristiques bien particulières. Qualifié de méromictique, le lac Pavin est structuré en deux couches d’eau stratifiées permanentes : une en profondeur et anoxique, le monimolimnion, et une en surface, oxygénée et brassée de manière saisonnière, le mixolimnion.
Nous avons mis en évidence une grande diversité d’eucaryotes unicellulaires dans le monimolimnion caractérisée par de nombreux saprotrophes (organisme utilisant de la matière organique morte ou en décomposition comme élément nutritif) exprimant des transcrits liés au métabolisme du soufre et du nitrate ainsi qu'à la dégradation de la matière organique dissoute. Nous avons également décrit de fortes variations saisonnières dans le mixolimnion, en particulier pour les parasites et le mixoplancton (organisme planctonique capable à la fois d’autotrophie (e.g., photosynthèse) et d’hétérotrophie (e.g., prédation)). Il semble que le brassage se produisant au printemps et à l'automne, et profitant aux communautés photosynthétiques hôtes, favorise également la dissémination des champignons parasites et la surexpression des gènes impliqués dans la phototaxie (comportement biologique observé chez certains organismes réagissant à la lumière en se déplaçant vers elle ou en s'en éloignant) des zoospores. Certains genres de mixoplancton surexprimant des gènes liés à la photosynthèse et à l'endocytose en période de faible disponibilité en nutriments suggèrent que la phagotrophie leur confère un avantage sélectif par rapport au phytoplancton non phagotrophe.
Lien vers la publication scientifique :
Monjot A, Bronner G, Courtine D, Cruaud C, Da Silva C, Aury JM, Gavory F, Moné A, Vellet A, Wawrzyniak I, Colombet J, Billard H, Debroas D, Lepère C. Functional diversity of microbial eukaryotes in a meromictic lake: Coupling between metatranscriptomic and a trait-based approach. Environ Microbiol. 2023 Nov 2. doi: 10.1111/1462-2920.16531. Epub ahead of print. PMID: 37916456.
Contact :
Arthur Monjot / Cécile Lepère
Laboratoire Microorganismes : Génome et Environnement, Université Clermont Auvergne, CNRS
Cecile.lepere@uca.fr