Publié le 22 décembre 2023 Mis à jour le 8 janvier 2024
Des sondes spécifiques des génomes d’Arabidopsis thaliana (magenta) et d’Arabidopsis arenosa (vert) ont été hybridées sur les chromosomes méiotiques de plantes néosynthétisées en métaphase I colorés avec un intercalant de l’ADN (blanc). ©Floriane Chéron
Des sondes spécifiques des génomes d’Arabidopsis thaliana (magenta) et d’Arabidopsis arenosa (vert) ont été hybridées sur les chromosomes méiotiques de plantes néosynthétisées en métaphase I colorés avec un intercalant de l’ADN (blanc). ©Floriane Chéron

En combinant deux génomes dans un seul noyau, les plantes hybrides nouvellement formées doivent rapidement s’adapter pour stabiliser leur méiose (la division cellulaire essentielle à la reproduction sexuée), et rétablir leur fertilité. Dans une étude publiée dans le journal New Phytologist, les scientifiques ont mis en évidence, chez les plantes néosynthétisées d’Arabidopsis suecica, des associations chromosomiques anormales entre les deux génomes pendant la méiose, associées à une réduction drastique de leur fertilité.

La méiose est une étape essentielle du cycle de vie des organismes à reproduction sexuée. Cette division cellulaire spécialisée divise par deux le nombre de chromosomes et permet ainsi la production des cellules reproductrices (ovules pour la femelle et gamètes mâles contenus dans les grains de pollen).

Au niveau moléculaire, des échanges de séquences d’ADN se produisent lors de la méiose entre les chromosomes homologues qui sont issus d’un même génome par un processus nommé recombinaison homologue. Ces échanges sont nécessaires pour augmenter la diversité génétique parmi les descendants mais également obligatoire pour lier momentanément les chromosomes homologues ensemble et permettre leur migration aux deux pôles de la cellule au cours de la méiose.

Chez les plantes allopolyploïdes, qui résulte de l’hybridation de deux espèces apparentées, ce processus est plus complexe car ces plantes possèdent, dans chacune de leur cellule, deux jeux de chromosomes homéologues, issus de deux génomes différents. Pendant la méiose, des échanges d’ADN peuvent avoir lieu entre les chromosomes homéologues (recombinaison homéologue) ce qui peut avoir pour conséquence des associations entre plusieurs chromosomes, une mauvaise migration des chromosomes homologues au cours de la méiose et peut mener à une désorganisation du génome chez les descendants, la formation de cellules reproductrices non viables, et à une réduction de la fertilité de ces plantes.

Dans cette étude publiée dans le journal New Phytologist, les scientifiques ont récréer au laboratoire l’espèce polyploïde Arabidopsis suecica en hybridant les deux parents apparentés Arabidopsis thaliana et Arabidopsis arenosa. En comparant la méiose des plantes nouvellement synthétisées (non évoluées) et évoluées d’Arabidopsis suecica (formées dans la nature il y a environ 16 000 ans), les chercheurs ont observé au microscope le comportement des chromosomes au cours de la méiose et ont mis en évidence une différence dans le choix de la recombinaison méiotique sélectionnée pour réaliser les échanges de matériel génétique. Alors que la recombinaison homéologue est fréquente dans les plantes néosynthétisées (associations chromosomiques complexes visibles au microscope), la recombinaison homologue est privilégiée dans les espèces évoluées. Ces problèmes méiotiques peuvent être responsables de la faible fertilité observée chez ces plantes de première génération. De plus, cette étude a permis de mettre en évidence une grande variabilité entre plantes sœurs néosynthétisées en termes de comportement des chromosomes lors de la méiose ainsi que de niveaux de recombinaison méiotique et de fertilité.
L’ensemble de ces données permettront d’étudier plus en détails les acteurs moléculaires responsables du choix du partenaire de recombinaison essentiels à l’adaptation méiotique et la pérennité de ces plantes.


 

Référence :

Incorrect recombination partner associations contribute to meiotic instability of neo-allopolyploid Arabidopsis suecica
Floriane Chéron, Valentine Petiot, Christophe Lambing, Charles White and Heïdi Serra
New Phytologist

Contact :
Floriane Chéron, doctorante à l’institut de Génétique Reproduction et Développement (CNRS, INSERM, Université Clermont Auvergne)
floriane.cheron@doctorant.uca.fr

Heïdi Serra, chargée de recherche CNRS à l’institut de Génétique Reproduction et Développement (CNRS, INSERM, Université Clermont Auvergne)
heidi.serra@uca.fr