Publié le 6 février 2023–Mis à jour le 6 février 2023
Un texte de la Minute Recherche par Bertrand Evrard (UNH, unité mixte de recherche UCA / INRAE).
Depuis son émergence fin 2019, le SARS-CoV-2, virus de la COVID-19, a été responsable d'une mortalité considérable dans le monde, notamment du fait d’atteintes pulmonaires sévères de type SDRA (syndrome de détresse respiratoire aiguë), d'autres types de défaillances viscérales ou d’infections secondaires.
Les progrès récents dans la caractérisation des mécanismes immunologiques à l'origine de ces lésions ont conduit successivement à l'émergence de deux hypothèses : le rôle d’une hyperinflammation avec un syndrome d'orage cytokinique (les cytokines sont un ensemble de protéines ou de glycoprotéines jouant un rôle majeur de signalisation dans la réponse immunitaire, l’inflammation ou la cicatrisation) ou celui d’une dérégulation complexe du système immunitaire entraînant une immunosuppression et une dissémination virale incontrôlée.
Nous émettons ici l'hypothèse que ces deux phénomènes ont probablement lieu en même temps dans les formes sévères de COVID-19.
Sur notre cohorte de 134 patients hospitalisés, des taux sanguins d'IL-6 (interleukine 6, une cytokine régulant l’inflammation aiguë et chronique) plus élevés, associés à une expression plus faible du HLA-DR (molécule de présentation des antigènes, cibles du système immunitaire) sur les monocytes (gros globules blancs, en première ligne dans la réponse aux virus et bactéries) ou mHLA-DR, et des ratios IL-6 / mHLA-DR plus élevés étaient statistiquement associés aux risques de formes sévères de la maladie, d’infections secondaires précoces et de décès.
Le profil immunologique caractéristique des patients atteints de formes sévères de COVID-19 correspond ainsi à une inflammation cytokinique modérée associée à une immunoparalysie monocytaire. Les individus atteints de syndrome d'orage cytokinique étaient rares dans notre étude, surtout depuis l'utilisation systématique des corticoïdes, mais formaient un sous-groupe très sévère de la maladie.
L'expression du mHLA-DR et le ratio IL-6/mHLA-DR pourraient être utilisés dans une approche de soins courants, lors de l’admission à l’hôpital, pour identifier les patients à risque de formes sévères, de décès et d'infections secondaires précoces. Cela pourrait permettre de mieux adapter les thérapies mises en œuvre dans une approche de médecine personnalisée.
Référence
“Severe COVID-19 is characterized by the co-occurrence of moderate cytokine inflammation and severe monocyte dysregulation”
DOI: 10.1016/j.ebiom.2021.103622