Publié le 29 avril 2024 Mis à jour le 29 avril 2024

Un texte de la Minute Recherche par Sébastien Larrue (GEOLAB, unité mixte de recherche UCA / CNRS / Université de Limoges).

Les invasions biologiques sur les îles océaniques sont souvent la première cause d’érosion de la biodiversité native (ensemble des espèces insulaires présentes naturellement avant la colonisation humaine). La connaissance des mécanismes facilitant les invasions biologiques en milieu insulaire est donc un élément important des stratégies de conservation de cette biodiversité. Parmi ces mécanismes, la connaissance des capacités de dispersion des espèces végétales dites invasives est un point important.
Cependant, il est souvent difficile de mesurer in situ ces capacités de dispersion au-delà de quelques kilomètres. De fait, ces distances de dispersion sont souvent sous-évaluées, ou indéterminées. Ceci contribue à une méconnaissance des territoires insulaires pouvant être affectés par les invasions biologiques. Le tulipier du Gabon (Spathodea campanulata) est un arbre originaire d’Afrique centrale et introduit sur Tahiti en 1932, une île de l’archipel de la Société (Polynésie française).
Cet arbre produit annuellement plusieurs milliers de graines ailées pouvant être prises en charge par des vents de faibles vitesses. Depuis plusieurs décennies, cet arbre a colonisé de nombreuses vallées tahitiennes, et des peuplements de tulipiers sont aussi observés sur d’autres îles de la Société, causant à la fois des nuisances pour les espèces endémiques mais aussi des problèmes au niveau des équipements urbains (embâcles et inondations, dommage aux toitures, etc.).

Dans cette étude, nous avons utilisé un modèle de transport atmosphérique nommé Computing Atmospheric Trajectory tool (CAT) utilisant différentes composantes temporelles et spatiales de vent (oblique, verticale et horizontale) rencontrées dans la région océanique des îles de la Société sur une durée de 4 mois. L’objectif principal était de déterminer si des graines de l’arbre envahissant Spathodea étaient capables d’atteindre, à partir de Tahiti, d’autres îles de la Société. Différentes conditions atmosphériques ont été utilisées (vitesse et dynamique des vents, précipitations, températures) ainsi que la vitesse de chute des graines et la topographie des îles volcaniques.

Nos résultats montrent que la majorité des îles sont susceptibles de recevoir des graines en provenance de Tahiti et ceci jusqu’à une distance de 1364 km. Ce résultat est conforme à la distribution géographique de Spathodea observée sur les îles de l’archipel. Nos simulations montrent également que les altitudes atteintes par les graines dans la colonne d’air n’excèdent pas 2500 m, une altitude où les températures ne sont pas létales pour l’embryon des graines, garantissant ainsi le pouvoir de germination des diaspores dispersées à longue distance.